Sydney Vs Brisbane

Après deux journées complètes à sillonner les routes du sud de l’Australie en direction de la côte-est, nous parvenons, ce jeudi 31 mai, aux abords de Sydney. « J’avais pensé qu’on pourrait traverser la ville de nuit pour se faire une première idée » propose Mr Routenvrac. Cela tombe à pic, le soleil est en bout de course lorsque nous nous engageons dans les premières artères de la périphérie de Sydney. Au bout d’une vingtaine de kilomètres, nous sommes plongés dans une nuit noire prometteuse. « Ouaou ! Regarde ! » lance Mlle Cartensac en apercevant les premiers immeubles. En quelques coups de volant, nous entrons dans une nouvelle dimension. « Metrocity, la ville future » annonce Mlle Cartensac tandis que Mr Routenvrac contemple en silence les immeubles défiler autour de lui. Les routes, toutes suspendues les unes au-dessus des autres, se croisent et s’entrecroisent, donnant l’impression d’occuper l’espace en quatre dimensions. Nous sommes suffoqués en apercevant, juste à côté de nos têtes, les bureaux des 4ème, 5ème, 10ème étages des buildings. Du haut du Harbour Bridge, nous contemplons l’opéra de Sydney, avant de nous enfoncer dans la masse des véhicules. « Il n’y a plus qu’à nous éloigner du centre-ville et trouver un endroit pour dormir » souffle enfin Mr Routenvrac, conscient qu’après ce moment de ravissement, l’épreuve suivante risque d’être longue et difficile.

Parking à la mer

Retrouver la vie urbaine logés dans notre camper-van, voilà qui nous renvoie à notre première expérience à Darwin. Trouver un parking où nous garer, tirer les rideaux, faire notre lit sans trop de fracas, cesser de respirer un instant, attendre et tenter de se détendre pour enfin, trouver le sommeil. Se garer dans la rue malgré l’interdiction, risquer le réveil par les rangers,  la dénonciation d’un voisin peu conciliant,… Voilà un scénario peu réjouissant auquel se risquent des milliers de voyageurs, chaque soir, dans toutes les villes australiennes. Et ce, pour éviter la nuit au camping, effroyablement chère au vue du service proposé. Il faudra compter en moyenne 28 euros par nuit par véhicule.

Après quelques tours et détours, nous élisons notre quartier général à Manly, une petite ville de la banlieue nord de Sydney. Reliée à celle-ci par un pont, elle est également accessible par Ferry. Son port et ses alentours en font d’ailleurs un charmant site touristique. Aussi, le premier jour, nous optons pour la balade panoramique de Manly. Nous quittons notre parking nocturne et, après nous être offerts une douche à 6$ à la piscine municipale, allons nous garer dans une rue résidentielle. En quelques minutes nous rejoignons un sentier naturel qui nous promettra plus de 10km de marche entre forêt et bord de mer, à admirer voiliers, faune et flore. A l’heure du repas, alors que nous sommes confortablement installés sur un banc, sandwich au bec, un homme âgé nous interpelle. Le doigt pointé vers l’horizon, il nous indique un groupe de dauphins bondissant hors de l’eau. Nous les regardons s’éloigner. S’il est trop tard pour sortir l’appareil photo, il nous reste notre mémoire pour y imprégner cette image surprenante.

Reprenant notre promenade, nous découvrons quelques restes malheureusement mal conservés d’art aborigène : des dessins gravés dans la pierre, sous nos pieds. Arrivés en bout de sentier, il nous faut à présent marcher à nouveau sur une dizaine de kilomètres pour rejoindre le van et reproduire le schéma nocturne, redouté mais inévitable si nous voulons nous offrir quelques extras dans la ville de Sydney dès le lendemain. Nous hésitons un instant, avant de nous garer à l’endroit-même où nous avons dormi hier. La récidive est déconseillée mais nous sommes trop fatigués pour chercher meilleure place. Demain, il nous faudra creuser davantage.

Tourisme sans frais

Ce vendredi 1er juin, nous attaquons Sydney, sous la pluie. Si la grande ville a décidé de nous tester, elle ne sait pas à quoi s’attendre. Debout, à l’avant du ferry, nous domptons vents et marées pour atteindre le Circular Quay de Sydney. Le ferry se révèlera notre moyen de transport préféré et surtout le plus adéquat. Couplé au bus 555, gratuit, nous parvenons à faire le tour complet de la ville en deux jours et à nous offrir au passage quelques visites et découvertes fort-sympathiques.

Le musée du colonialisme

Lorsque la première colonie s’installe à Sydney, dans les années 1800, le quartier des Rocks, situé à quelques pas du Circular Quay, est le repère des malfamés : brigands, truands, marins, ivrognes et prostituées en font le lieu le plus sordide de la ville. En 1900, une épidémie de peste lui ôte toute attraction possible, disséminant sa population. En 1920, ce sont des rues entières qui disparaissent pour laisser place au Harbour Bridge. Pénétrer dans le Rock Discovery Museum, c’est s’offrir un bond de près de 200 ans en arrière pour y découvrir la vie des Cadigal, premiers habitants du quartier. Passée l’exposition sur les aborigènes, assez similaire à ce que nous avons pu découvrir dans les parcs nationaux, nous sommes immergés au cœur de la colonie, balancés au rythme des anecdotes, découvrant les faits et méfaits de la population pour qui « liberté » résonne étrangement avec « détention ». Condamnés à vivre sur un territoire inconnu, parfois contraints à se marier une seconde fois et ainsi déshonorer leur première union,… Situé dans un entrepôt en grès restauré des années 1850, le musée est aussi instructif que passionnant, dévoilant même quelques pièces authentiques de la vie des marins. Nous observons, amusés, quelques enfants participer avec une réelle excitation, à la quête historique proposée par le musée, un bon moyen de faire passer quelques pages historiques aux jeunes générations.

La maison du gouverneur

Dans la rue Macquarie, de l’autre côté de la ville, nous partons à la rencontre de la maison du gouverneur. Une visite guidée du palace édifié entre 1837 et 1845 nous permet de mieux comprendre les relations actuelles entre Royaume-Uni et Australie. Nous découvrons qu’au-delà d’avoir sa photo en effigie sur tous les billets et pièces de monnaie, la Reine Elisabeth II est reine d’Australie. En effet, la Commonwealth d’Australie, dans son nom complet, est une monarchie constitutionnelle dont la reine est officiellement chef de l’état. Toutefois, celle-ci très peu présente, n’a jamais fait appel à ses pouvoirs. La quasi-totalité du rôle constitutionnel du monarque est donc assumée par le gouverneur principal. Quentin Bryce, la gouverneure principale actuelle, n’occupe la maison du gouverneur que deux fois par semaine pour y signer les documents officiels. Invités à entrer, nous pénétrons avec discrétion à défaut de cérémonie, dans le vestibule, admirant les portraits et armoiries de tous ses prédécesseurs.

Notre guide nous conduit tour à tour dans les différentes pièces, toutes aussi cérémonieuses les unes que les autres : le bureau dévoilant un mobilier datant de 1890, la salle à manger, la salle de réception,… Nous nous arrêtons un instant devant les menus servis jadis pour constater que l’un d’eux est écrit en français manuscrit, puis passons par la salle de bal, avant de nous faire reconduire dans le jardin botanique.

Aussie Football, aussi rugby et basket

A voir ces sportifs courir en tout sens, on pourrait croire en un chat ballon géant. Et pourtant, sous nos yeux ahuris, se déroule un match très sérieux d’Aussie Football, le sport national de l’Australie. 18 joueurs par équipe se disputent une balle ovale qu’ils devront tenter de balancer entre deux des quatre poteaux de leur adversaire. Certes, on serait tenter de penser aussitôt : « Oui, c’est du rugby quoi ! »

Toutefois le jeu prend tantôt des allures de football, tantôt de basket et se joue sur un terrain de cricket. Nous restons tout de même très interrogateurs à voir se déplacer tous les joueurs dans la même direction, donnant ainsi une impression d’inexistence de stratégie. Plus vifs, plus agressifs, plus rageurs, les joueurs de Sydney offriront une belle déculottée aux Bulldogs de l’Ouest en marquant un score de 132 à 40. Enchantés par ce spectacle original, charmés par l’ambiance du stade, depuis les tribunes, un poil arrosés sous la pluie battante, nous sommes surtout très impressionnés par la performance des arbitres, chargés de toutes les remises en jeu, de véritables lièvres de course. Dans le bus, nous savourons une dernière fois la ferveur des supporters, en particulier des enfants dont l‘excitation ne semble pas prête à redescendre. De retour au Cicular Quay, nous montons à bord de notre ferry pour la dernière fois, admirant, de nuit, l’opéra de Sydney sur lequel sont projetées des images étonnantes. « Regarde, il y a aussi des images sur les murs d’en face » s’exclame Mlle Cartensac. Mr Routenvrac, muni de son appareil à souvenirs, attrape au vol les adieux que nous envoie la grande ville.

Toit, hors de ma vue !

Ce lundi 4 juin, après avoir passé une nuit aux abords de Sydney, nous nous élançons en direction de Brisbane. Nous roulons depuis à peine 10 minutes lorsque Mlle Cartensac soulève un doute. Habituée à porter les chaussures de randonnée en voiture, les Crocs lui semblent bien légères à ses pieds. « Dis moi, mes chaussures, tu les as bien mises à l’arrière ? Je te demande juste parce qu’hier je les avais mises là et… » Ce faisant, elle regarde Mr Routenvrac. Celui-ci blêmit puis : « Sur le toit ! Je les ai mises sur le toit ! Avec les miennes ! » – « Tu plaisantes ? » tente sans espoir Mlle Cartensac. A voir l’expression affichée sur son visage, il ne plaisante pas du tout, Mr Routenvrac. « Mais c’est pas vrai, je suis complètement idiot ! Je pensais qu’on les verrait forcément en fermant la porte… » Le van aussitôt garé, Mlle Cartensac vérifie. « Je confirme : elles n’y sont plus… » En deux temps, trois mouvements, Mr Routenvrac arbore une stratégie. « Tu restes là au cas où quelqu’un les ai vues tomber et les ai ramassées. » Mlle Cartensac sait qu’il n’est pas heure à tergiverser et obéit aussitôt, se positionnant impuissante sur le bas côté, lancée dans une longue attente. Mr Routenvrac, quant à lui, repart sur la route, en quête de quatre chaussures égarées. Sur le tableau de bord, ses nouvelles semelles étrangement seules rescapées de l’affaire (cf. article « Sud de l’Australie ») semblent lui faire la nique. Enfin de retour sur la scène du crime, le doute se fait lourd. Les 200 premiers mètres se feront sans la moindre empreinte. Puis, il entend la première complainte. « Ramasse-moi, ramasse-moi ! » s’écrit la chaussure. Mr Routenvrac ne se fait pas prier et se gare en bord de route, tentant de fouiner tout autour, dans l’espoir de trouver les trois autres. Mais rien…100 mètresplus tard, toujours rien… Imaginant déjà la nécessité de parcourir les10 kmà pied, c’est avec soulagement, qu’il aperçoit,200 mètresplus loin, les trois chaussures désarmées mais patientes, solidaires. « Je savais que tu les retrouverai » jette Mlle Cartensac en remontant dans le véhicule, saisissant dans ses mains ses deux chaussures comme son bien le plus précieux.

Brisbane

Queenslander entre amis

« Je ne me souviens plus. On parlait anglais ou français avec eux ? » questionne Mlle Cartensac au moment de toquer à la porte de la Queenslander. Le doute se lève lorsque Lizzy ouvre la porte, un grand sourire sur les lèvres : « Bienvenue chez nous ! » Lizzy et Stéphane, c’est une rencontre par hasard, dans un hôtel de Nin Binh, au Vietnam, quelques mois plus tôt : une rencontre prompt entre deux plats de nems. Un couple franco-australien qui, après avoir passé trois ans en France partait s’installer en Australie, dans la ville de Brisbane et s’offrait au passage une halte vacancière au Vietnam. « C’est génial de se retrouver ici ! » annonce-t-elle. C’est vrai, c’est absolument incroyable. Quatre mois, c’est le temps qui leur a fallu pour s’installer dans cette maison, s’inscrire en faculté, démarrer une nouvelle vie tandis que nous poursuivions notre voyage, parcourant pays après pays,… « Et nous voilà ! » lance Mr Routenvrac.

Une tasse de thé à la main, Lizzy nous explique qu’elle à fort à faire avec ses cours et que Stéphane est en voyage pour une conférence. « On sera vraiment dispo ce week-end pour vous mais en attendant faites comme chez vous ! » – « Ne te fais pas de souci pour nous. On trouvera à s’occuper ! » conclut Mlle Cartensac.

Ce jeudi 7 juin, nous grimpons sur nos montures australiennes confiées par Lizzy et nous envolons pour le centre-ville. Nous décidons de nous arrêter pour visiter le musée du Queensland, sans savoir que celui-ci nous accaparerait toute la journée. Alors que nous parcourons les différentes expositions sur tortues des mers, aborigènes, colonialisme,…, notre attention s’arrête sur un groupe d’hommes et de femmes en plein travaux manuels. Questionnant autour de nous, nous apprenons que des étudiants de l’école de design ont proposé aux agents du musée de repenser leur musée ! Une activité très originale envahit alors l’édifice, laissant place au désordre et à l’imagination. Une étudiante nous propose de venir tester les travaux des agents, ce que nous faisons avec un grand plaisir. En récompense, nous recevons deux invitations pour la cité des sciences ! Que pouvions-nous espérer de mieux que nous offrir une après-midi de jeux, de tests, de casse-têtes et de quête scientifique ?

A la franco-australienne

Le van parqué devant le jardin, nous profitons pleinement de la vie australienne, découvrant la fraîcheur de la villa queenslander, toute de bois construite. Bien que fort-occupés, nos amis se montreront de véritables hôtes, partageant avec nous leurs talents culinaires, de longues discussions, des moments ludiques, des échanges de culture, des réflexions de voyage,… Nous nous retrouvons dans une jeunesse complice, oubliant qu’avant de franchir le seuil de leur maison, nous ne connaissions quasiment que leurs prénoms.

Ce samedi 9 juin, nous partons en ville tous les quatre, sans autre plan en tête que l’idée d’une journée en plein air. Train, ferry, nous voyageons local. Après un rapide passage au marché, Stéphane nous propose de visiter la Powerhouse. Nous y découvrons une exposition de photographies du monde aux témoignages poignants. Nous profitons du beau temps pour pique-niquer dans un jardin avant de reprendre notre balade citadine. Le soir venu, fatigués par tant de marche, nous sommes tout de même tous motivés pour partager quelques jeux. « Vous connaissez le téléphone arabe mais le message chinois, est-ce que vous le connaissez ? » demande Stéphane. Si on le connaissait celui-là, ça se saurait. Et nous voilà partis pour une heure de franche rigolade. « C’est quoi que tu as voulu dessiner là ? » demande Stéphane à Lizzy. « Ben, un kangourou… Comme toi… »

Le lendemain, il est temps pour nous de reprendre notre route. Avant de nous quitter, nous préparons ensemble un Brunch, une tablée digne des plus grands aventuriers. « La prochaine fois qu’on se verra, ce sera sûrement en France » annonce Mlle Cartensac. « On espère bien qu’on pourra vous rendre la pareille » s’exclame Mr Routenvrac. « Ce sera avec plaisir, et peut-être même rapidement ! Je serais de passage en novembre » explique Stéphane. « Oui mais sans moi ! » lance Lizzy, déçue. Pour sûr, nous les reverrons. Ce dimanche 10 juin, nous nous lançons en direction du nord du pays, prêts à parcourir les derniers1705 kilomètresqui nous séparent de Cairns, point final de ce voyage

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