Rodage pluvieux de Cat Ba à Ninh Binh

La Baie d’Halonge la monnaie

Durant notre enfance, nous avons tous entendus parler de régions paradisiaques aux quatre coins du monde sans trop savoir les situer sur la mappemonde. En grandissant, nous en avons appris davantage et curieux, nous avons rêvé de pouvoir, un jour, les conquérir. Aussi, lorsque nous nous retrouvons à deux pas de l’une d’entre elles, nous n’hésitons qu’un court instant avant de nous lancer vers ce site touristique qu’est la Baie d’Halong.

Après quelques recherches, guidés par notre courte expérience du Vietnam et débutant dans le transport de marchandises tel que des vélos, nous jugeons plus judicieux de nous en remettre aux mains d’une agence pour programmer notre voyage sur l’île de Cat Bâ. Pour 18 dollars chacun, nous parvenons à nous offrir la traversée en bateau au beau milieu des îles de la Baie, transport des vélos compris. A 8h, ce vendredi 13 janvier, nous attendons notre bus à l’entrée de l’hôtel. Le chauffeur, en découvrant nos sacs-à-vélos, se met aussitôt à ronchonner, oubliant même de nous saluer. Tours et détours en ville  permettent de faire le plein de passagers et de bagages. Après une heure de trajet et quelques informations données par notre guide, nous arrivons au port de Ha Long. Sur place, nous retrouvons Armelle et Matthieu (rencontrés à Hanoï). Désabusés, il nous explique leur mésaventure. Ayant voulu jouer la carte routarde jusqu’au bout et tentant de rejoindre l’île de Cat Bâ par leurs propres moyens, ils se sont retrouvés tôt ce matin à Ha Long. Malheureusement, aux termes de longues recherches et négociations, ils se sont vus contraints de prendre la seule option qui leur était proposée : une croisière repas et nuit compris pour 60 dollars chacun. « Ca fait chère la traversée » digère difficilement Armelle. La déception est à son comble lorsque nous découvrons qu’en guise de croisière, ils voyageront sur le même bateau modeste que nous, en compagnie d’une vingtaine d’autres touristes, chacun ayant payé des montants différents, allant de 20 à 60 dollars pour un service similaire à une ou deux options près. « A petit budget, petit service » nous a prévenu un jour plus tôt une connaissance vietnamienne…

A l’heure du déjeuner (non-compris dans notre prestation), notre guide nous propose de rejoindre les autres passagers à table pour une somme tout à fait correcte. « On ne va tout de même pas vous regarder manger » lançons-nous à nos deux amis, quelques peu maussades, tentant de détendre l’atmosphère. « Parce qu’en plus vous allez manger notre poisson ? » s’esclaffe Matthieu.

Alors que nous dégustons un trop léger buffet toutefois délicieux, nous remarquons que le bateau fait du sur place. Et lorsque notre guide se lève pour nous annoncer sur un ton froid et sans enthousiasme, le déroulement de la journée, chacun y va de sa petite plaisanterie. Parmi les autres passagers, nous retrouvons Quentin et Thibaut, deux français que nous avions rencontré à Oulan Bator; le monde est petit! A bord, l’ambiance est bon enfant, partagée entre échanges de bons plans et récits d’expériences. Malgré tout, nous nous impatientons un peu. « Ben on va peut-être avancer un peu quand même ? » Un peu, c’est le mot. Durant toute la traversée de plus de cinq heures, nous passons notre temps à stationner, effectuer quelques kilomètres, puis stationner encore sans jamais pénétrer dans la Baie d’Ha Long. Mais alors qu’avez-vous fait ?

Les grottes des 1001 imaginations.

« Asseyez-vous ! Asseyez-vous !» se met à hurler notre guide. Nous approchons d’une petite plage et cela semble le mettre dans tous ses états. Et pour cause, le capitaine heurte un bateau, puis un deuxième, avant de s’écraser proprement sur le ponton, raclant au passage toute la coque du bateau sur celle de son voisin. Une manœuvre approximative adoptée par tous les capitaines de la baie. Nous rejoignons une grotte en sillonnant des ponts de bois, nous donnant l’impression d’avoir atterri sur le plateau de tournage de Pirate des Caraïbes. A l’intérieur, nous sommes impressionnés par la grandeur des cavités creusés dans la roche. Notre guide nous rassemble en trois lieux, nous demandant d’admirer dragons, singes, serpents et lions, là où malgré bien des efforts, nous ne parvenons à reconnaître que méduses et champignons. Mr Routenvrac regrette de ne pas s’être suffisamment entraîné sur les nuages, ratant de ce fait, tant de merveilles…

Pour un site subventionné par l’UNESCO, nous nous étonnons devant tant d’artifices. Si les néons verts, bleus, rouges et oranges nous semblent dénaturer le site, nous sommes déconcertés en écoutant le vrombissement d’un moteur permettant l’écoulement d’une fontaine artificielle. Enfin, un (faux) geyser installé au fond de la grotte achève notre désillusion. Pourtant ce site ce serait tant suffit à lui-même… Alors que nous avançons vers la deuxième grotte, Armelle et Mlle Cartensac commencent à s’inquiéter. Personne ne semble avoir pris la même direction que nous, pas même notre guide. Lancés, nous poursuivons tout de même notre marche et traversons ce nouveau site, tout aussi imposant et bien plus reposant à regarder par son absence d’effets spéciaux. D’un pas pressant, les demoiselles n’étant pas rassurées, nous nous dirigeons vers la sortie. De retour au bateau, nous retrouvons le guide qui ne s’est pas formalisé un instant par notre absence. Nous apprenons finalement que, par défaut d’envie ou de courage, il ne s’est pas senti obligé d’accompagner le groupe jusqu’au bout. Tant pis pour les malchanceux qui ne nous ont pas vus partir dans l’autre direction !

La croisière s’amuse

De retour sur le bateau, nous notons que trois heures se sont déjà écoulées depuis notre départ et qu’il nous reste bien peu de temps pour naviguer à travers les îles. 500 mètres plus loin, le navire s’arrête à nouveau sur un petit ponton au milieu des eaux où nous accueillent vendeurs de fruits et promeneurs en barque. « Nous restons ici 40 minutes » annonce le guide. « Ceux qui veulent faire un tour en barque, c’est 5 dollars ». « Il n’est quand même pas sérieux là ? On est déjà sur un bateau… »

Et nous voilà partis pour attendre 40 minutes. Nous comprenons à cet instant, qu’il est temps de faire une croix sur notre soi-disant croisière. C’est donc avec résignation que nous subissons une seconde escale de 45 minutes permettant une virée en canoë, activité incluse pour certains d’entre nous. Armelle et Matthieu enfilent leurs gilets oranges et embarquent, saluant hâtivement notre guide qui ne cesse de répéter dans un anglais approximatif « 30 minutes ! » que certains comprendrons « 1h30 ». Sous un ciel couvert, nous les observons s’éloigner, tous hilares par l’énormité de la situation.

Comme des naufragés

Il est 18h et la nuit est tombée. Nous débarquons nos sacs sur le quai de Cat Bâ et donnons rendez-vous à Armelle et Matthieu pour le lendemain. Devant nous, accompagnés de 5 autres passagers, le guide se hâte. Ne pouvant porter nos vélos sur de trop longues distances, nous prenons le temps de les déplier, sans trop comprendre ce qui le rend si pressé. Au moment de les rejoindre, nous réalisons qu’ils ont disparu, au fin fond de la nuit. Nous allumons nos lampes frontales et nous empressons de pédaler dans leur direction. Le port est désert. Rien à l’horizon ; pas même un bar, un hôtel ou un véhicule. Nous nous mettons à pédaler de plus belle, passant devant un bâtiment, puis un deuxième, puis… plus rien. Une femme nous interpelle : « Il n’y a rien ici. Cat Bâ ? C’est à 30 km ! » – «  Ce n’est pas possible ! Il n’a pas pu nous faire ça… »

« On va rester sur la route, on va l’attendre ce pourri. Il va forcément repasser par là » tente de solutionner Mr Routenvrac. «  De toute façon, on ne va tout de même pas traverser l’île en vélo en pleine nuit. » – « Oui, mais s’il ne revient pas par là ou s’il ne s’arrête pas ? Moi, je pense qu’on ferait mieux de retourner au bateau… » rétorque Mlle Cartensac sans assurance aucune. La femme tente de nous venir en aide : « Il faut que vous preniez un taxi. C’est 30 dollars mais c’est la seule solution ». – « On ne peut pas dormir ici ? » tente Mr Routenvrac dans un dernier espoir. « Ah non, ça ce n’est pas possible ! » nous répond aussitôt la seule âme qui vive de cet endroit désert. Contraints, nous remontons sur nos vélos et rebroussons chemin. A peine avons-nous parcouru200 mètresqu’un homme nous interpelle avec fermeté : « Eeeh ! Vous ne passez pas ! » – « Comment ça, on ne passe pas ? Il y a notre bateau là-bas ! » – «  Pas de bateau là-bas. Plus de bateau à cette heure. » L’officier de police est formel. Nous devons quitter le port. Et rejoindre Cat Ba en vélo lui semble impossible, la route étant trop vallonnée.

Nous ne pouvons rester là bien longtemps à nous questionner au risque de subir la volonté de l’officier et de ne plus être maîtres de la suite de cette péripétie. L’idée de parcourir nos premiers 30kms sur cette île malgré les conditions peu propices finit par nous sembler un défi surmontable, voire excitant. Pris en sandwich entre nos deux sac-à-dos, nous entreprenons la traversée de l’île du Nord au Sud. Nos lampes frontales n’éclairant qu’à 15m tout au plus, nous ne pouvons qu’imaginer les paysages qui nous entourent aux dénivelés qui nous contraignent à user déjà de nos vitesses. Rapidement, nous prenons confiance, nous amusant de la situation, restant toutefois très attentifs aux réactions de nos bolides. Les villageois, étonnés, nous saluent un à un, prêts à nous accueillir à leur table. Certes déjà bien rassurés, nous sommes pressés d’arriver à destination et poursuivons notre route. Refusant de prendre une longue déviation, il nous faut parfois descendre des vélos, jugeant qu’il est encore un peu tôt pour nous offrir une crevaison.

Au bout de 25kms et 2h30 de pilotage, nous atteignons enfin la ville de Cat Bâ. Au bord de la plage, sur la rue principale, nous tentons notre chance dans un premier hôtel. Sans que négociation ne soit nécessaire, nous obtenons une chambre assez luxueuse pour 6 dollars seulement. Que demander de mieux ? Une douche et un bon restaurant ! C’es ainsi que nous profitons de notre fin de soirée bien méritée, amusés, un brin énervés par notre guide de pacotille.

Deux petits tours et puis s’en vont

Malgré un temps pluvieux, nous profitons pleinement de nos deux journées passées sur l’île. Petit déjeuner maison pain confitures, ballades en vélo ou à pieds au bord de la plage sans oublier une dégustation de poisson… Il nous faudra compter sans la présence d’Armelle et Matthieu, qui, après une dernière déception sur le bateau ont préféré repartir le jour même pour Hanoï. Nous découvrons enfin de jour, les paysages montagneux qui nous ont manqué de nuit. Une petite virée sur la côte ouest nous laisse entrevoir un futur complexe hôtelier absolument faramineux, sous les traits pour le moment d’un chantier et d’immenses affiches publicitaires.

Le dimanche 15 janvier, nous devons malheureusement renoncer à notre plan: un treck dans le parc naturel suivi d’une ballade en bateau. En effet, à 7h du matin, ce sont des trombes d’eau qui nous réveillent. Nous savourons alors notre grasse matinée et nous rendons au port négocier nos billets de retour. Pour 130.000 dongs (5€) chacun, nous ne nous attendons pas à grand-chose si ce n’est d’arriver à bon port cette fois-ci. A 14h30, un bus vient nous chercher et nous conduit à l’extrémité ouest de l’île. Décidément, nous l’aurons visitée de long en large contrairement à la baie d’Ha Long! Puis un petit bateau à moteur nous transporte sur la terre ferme par le plus court chemin entre des  cargos et des pilonnes. Enfin un bus achève notre voyage misérable, traversant zone portière et déchetterie, jusqu’à la ville de Hai Phong. A vol d’oiseau, nous n’aurions sans doute pas mieux fait.

Notre destination, Hai Phong, n’est pour nous qu’une escale. Nous souhaitons nous rendre dans la foulée à Ninh Binh. La chance n’ayant pas tourné, il nous faudra y passer la nuit, car ni bus ni train ne font le trajet à cette heure… L’hôtel de la gare, bien miteux, conclura cette épopée.

Ninh Binh ni deux à la campagne

A première vue, Ninh Binh est comparable aux autres villes vietnamiennes que nous avons eu l’occasion de découvrir, mais elle est entourée de véritables petits coins de contemplation. A vélo, nous empruntons la route principale et nous laissons charmer par le paysage qui se dessine petit à petit jusqu’au village de Tam Coc. Nous nous mêlons à la foule au bord du fleuve quelques instants avant de mieux nous en écarter. Incertains de l’issue des sentiers empruntés, nous nous arrêtons régulièrement pour admirer, prendre quelques photos, échanger deux, trois « Hello » avec les passants, puis rebrousser chemin. Laissant nos vélos au pied d’une colline, nous grimpons un escalier de pierre et découvrons un site religieux dont le charme semble se nourrir de l’absence d’entretien. Le temple à moitié recouvert de mousse et d’herbes, semble être un élément naturel. Deux jeunes filles, baragouinant deux mots de français nous suivent un moment, simulant gentiment le rôle de guide, puis nous abandonnent à mi-chemin, comprenant que nous ne donnerons pas d’argent. En hauteur, nous apprécions un bon moment la quiétude du site, puis redescendons.

Le lendemain, emballés par la simplicité de la ballade à vélo, libres de tourner et contourner, nous réenfourchons nos vélos en direction opposée. Au bout de 15kms, nous pénétrons dans un temple et une pagode, entourés de murailles. Nous hésitons sur l’état de ces deux monuments. Construction ou déconstruction, les ouvriers sont ici encore, partout afférés, prêts à agrandir ou sublimer les atouts de leur pays pour le tourisme estival. Sur notre chemin, incrédules, nous observons des pêcheurs équipés d’un boîtier électrique, munis de grandes perches électrifiées. Malgré les grands moyens employés, seuls quelques poissons gisent dans la barque du plus habile d’entre eux, laissant ses acolytes bredouilles. Cette fois-ci, Mr Routenvrac n’aura pas l’occasion d’essayer cette pratique encore peu efficace.

Nos vélos tout terrain nous le permettant, nous prenons plaisir à offrir grimaces et pieds de nez à quelques villageois qui tentent malgré tout de nous revendre leurs tours en bateau et moto. Nous répondons malicieusement à chacun de leurs appels « Bateau ! Bateau ! » par « Vélo ! Vélo », parvenant ainsi à décrocher quelques sourires de nos accrochetouristes vietnamiens, malgré tout assez joueurs.

Rassasiés plus d’une fois au sein de notre accueillant hôtel et de son délicieux restaurant, nous repartons de Ninh Binh sereins et à nouveau enthousiasme. Ce soir, nous prenons le train pour atteindre le centre du pays. Danang saura-t-elle nous apporter le soleil que nous attendant tant depuis la Mongolie ?

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