De Krabi à KL

Nous venons tout juste de laisser s’envoler Mme Calmensac et Mr Cyclovrac pour la métropole française lorsque Bangkok, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, nous pousse hors de sa ville. Arrivés à la gare ferroviaire, à 19h20, nous nous présentons au guichet en espérant pouvoir nous procurer un billet pour le train de 22h50 en direction du sud du pays. Apparemment nous ne sommes pas les seuls à avoir eu cette idée. Le train est complet. Nous n’avons pas le choix, nous devons embarquer aussitôt dans le train de 19h30. Les billets en main, nous traversons la gare et sautons dans l’un des premiers wagons. Une fois rendus à hauteur de nos sièges, nous accueillons avec un regard complice ce retour à la réalité. Finies les vacances, en guise de lit nous aurons un bout de banquette ! Un petit plateau repas local nous permettra de tenir jusqu’au lendemain matin : du riz blanc et du poulet, c’est exactement ce dont nous rêvions.

Rien ne sert de courir…

A 8h, ce dimanche 25 mars, nous avons à peine le temps d’émerger de notre nuit sensiblement douloureuse. A la sortie de la gare de Surat Thani, nous sommes agressés par deux agents imposants d’une compagnie de bus. « Vous voulez aller à Krabi ou pas ? Parce qu’on part tout de suite là, on n’attend que vous ! » nous hurle la femme qui semble oublier que nous ne lui avons rien demandé. « C’est le dernier bus de la journée » ajoute-t-elle. Un rapide calcul comparatif avec notre guide de voyage et nous décidons, beaux imbéciles que nous sommes, d’ouvrir grand notre porte-monnaie à cette femme irrespectueuse. A peine sommes-nous entrés que le bus démarre. Lorsque nous comprenons qu’il n’y a plus de place et que nous devons nous asseoir dans l’escalier, devant les toilettes, il est trop tard pour faire marche arrière. Mr Routenvrac sort de ses gons et s’adresse à notre hôtesse : « Dis donc, ça t’aurait déranger de nous préciser ce détail ? On va jusqu’où comme ça ? » – « 30 minutes hurle-t-elle, 30 minutes seulement, ensuite vous serez dans un van ! » De mieux en mieux. Il ne nous en faut pas plus pour comprendre que nous nous rendons dans une gare privée, ce qui suppose que les frais ne sont pas terminés. « Tu sais ce qui m’énerve le plus » explique Mr Routenvrac qui vient de prendre conscience de l’arnaque, « c’est qu’ils nous ont parlé comme à des chiens et malgré tout, on a foncé ! C’est dingue ! C’est l’erreur interdite ! » Encore une leçon difficile à avaler. Bien entendu, le trajet est relativement long et l’arrivée à Krabi se fait au milieu d’une forêt dans un lieu perdu au milieu de nulle part où cette même agence nous propose un transport pour le centre ville à raison de 100B (5 euros) par personne. Nous laissons cette opportunité aux autres voyageurs. Pour nous finis les frais ! S’il le faut, nous marcherons le reste de la journée. Sacs sur le dos, nous exprimons notre mécontentement aux nombreux agents et quittons cet endroit truqué. 100 mètres plus loin, un taxi nous interpelle. Le prix tombe comme une salvation : 20B pour le centre ville. A nous Krabi !

Krabi – Ao Nang – Krabi

Krabi fera pour nous partie de ces petits coins de paradis de notre voyage où nous avons su poser nos bagages, nous imprégner de l’atmosphère de la ville, nous offrir de ces bouibouis favoris où l’on ne se lasse pas de commander le même « poulet barbecue », arpenter les rues de long en large, se faire battre à plate couture aux dames par un chauffeur de taxi, dénicher une pâtisserie improbable, discuter régulièrement avec les gens d’ici, scruter l’horizon en se félicitant d’être arrivés jusque là…

A trois reprises, nous nous rendons à Ao Nang, sa ville voisine, pour profiter de ses plages et de ses activités aquatiques. Le long du remblai, le prix des restaurants et des tours opérateurs nous font tout d’abord douter de la pertinence de notre choix. Toutefois, nous sommes très rapidement rassurés. Bouibouis et négociations sont ici, aussi de la partie.

Étanches à l’eau et au tourisme de masse

Mr Routenvrac meurt d’impatience de plonger son appareil photo numérique dans les fonds marins. Rien d’étrange à cela, il s’est fait importer un caisson étanche depuis la France. Notre première journée organisée sur les îles nous offre une bonne occasion. A bord d’un bateau à moteur, nous nous rendons d’île en île, tantôt pour apercevoir une vue imprenable, tantôt pour visiter une grotte ou encore pour marcher sur un banc de sable reliant une île à une autre. Pour une fois, la foule de touristes qui nous accompagne ne nous terrorise pas. Nous sommes, au contraire, curieux d’observer cette étrange harmonie qui jaillit de la mixité des touristes. De nombreux bateaux se rendent aux mêmes îles au même moment. Aussi, en un même lieu se partagent vagues et bancs de sable, de jeunes occidentaux en maillots de bain et bikinis et de jeunes ou moins jeunes musulmans vêtus de la tête au pied. Tous s’admirent plutôt que se reluquent, s’invitent à partager les mêmes photos, se sourient, s’ouvrent à la discussion,… « Regarde ces jeunes femmes, en haut du bateau » remarque Mlle Cartensac. « Je crois qu’elles sont sous ton charme. » Quelques regards échangés, rebondissant sur des sourires, et les jeunes femmes demandent à Mr Routenvrac de poser avec elle. De même, plus surprenant encore, deux hommes musulmans, couverts de la tête aux pieds, nous demandent à tous les deux de paraître sur leur cliché, en maillot de bain ! Nous sommes amusés par ce moment insolite.

A l’heure du déjeuner, notre guide nous remet le ravitaillement ; barquette de riz-poulet et bouteilles d’eau que nous dégustons tranquillement sur une île en compagnie de… centaines de touristes. Heureusement l’île est grande. Suffisamment d’ailleurs pour y créer une déchetterie. En effet, en nous éloignant seulement de quelques pas au-delà de la plage principale, nous découvrons que les poubelles contenant les tonnes de déchets produits par le tourisme sont déversées le long d’un chemin en pleine végétation. Bel esprit de protection de l’environnement et une fois de plus navrante conséquence d’un tourisme de masse non maîtrisé…

Embouteillage dans les mangroves, les singes au péage

Cela fait un moment déjà que nous sommes tentés par une balade en canoë mais les prix sont très souvent rebutants ; le tour en canoë au prix d’une croisière, très peu pour nous ! Enfin, à Krabi, nous parvenons à négocier pour 40 Bats, soit 10 euros chacun, une randonnée particulièrement alléchante. Sur place, il nous faut faire avec un groupe de touristes plus ou moins dégourdis qui rend parfois les passages les plus étriqués et hasardeux du parcours quelque peu lancinants, mais nous n’hésitons pas à freiner notre allure pour nous offrir des vues privilégiées et surtout nous éviter les embouteillages insupportables.

Au cœur des mangroves, nous sommes accueillis par une tribu de petits singes très chapardeurs. Cacahuètes, boissons et biscuits sur les canoës des touristes seront confisqués et dévorés dans la foulée. Nous nous approchons au plus près, titillés par l’envie de les toucher. Toutefois au moment où l’un d’entre eux s’apprête à monter à bord de notre navire, Mlle Cartensac n’est pas très rassurée. Cela tombe bien, il n’est pas décidé non plus et s’élance sur une branche. « De loin on s’entend bien aussi, pas vrai ?! »

Au bout de près d’une heure, la boucle est bouclée et nous retrouvons la voie principale. « L’arrivée est à un kilomètre » lance le guide. A la queue depuis le début, nous décidons de profiter de la largeur de la rivière pour rattraper tous nos compagnons. Une fois lancés, il n’est plus question de nous arrêter. Nous pagayons à toute allure, enfonçant un peu plus fort la pagaie à chaque poussée. Devant nous, deux groupes se sont également pris au jeu. Nous sommes partagés entre l’impression de ne pouvoir les rattraper tant la distance est longue et leur allure bien rythmée, et l’envie de tout donner pour cette dernière partie. 200 mètres avant la ligne d’arrivée, nous doublons un duo de deux jeunes sportifs. Il ne nous reste plus que le canoë d’un homme de la compagnie nautique et nous avons bien décidé de lui en faire voir de toutes les couleurs. A défaut de le doubler, nous l’aurons au moins fait transpirer. Au dernier moment, Mr Routenvrac entrevoit une tactique pour enfin, détenir la première place mais oublie d’en faire part à sa coéquipière. « A droite ! A droite ! » – « Comment ça à droite ? » S’étonne-t-elle, cessant de pagayer un instant. La première place nous échappe. « On bifurquait sous le pont, c’était gagné ! » explique Mr Routenvrac. « Ce n’est pas grave, on a assuré ! » Léger manque de cohésion qui nous vaudra une deuxième place, toutefois bien méritée ! En sueur, nous nous jetons sous la douche avant de profiter d’un plat de pastèque bienvenu !

Direction Kuala Lumpur, alias KL

Après 5 jours à nous laisser porter par les airs marins de la ville de Krabi, il est temps pour nous de saluer la Thaïlande et prendre la direction de la Malaisie. Dans trois jours, notre troisième invitée viendra passer 12 jours de vacances en notre compagnie. Il nous appartient à nouveau de préparer le terrain et organiser nos quelques jours de voyage en commun avant son atterrissage à Kuala Lumpur.

Nous arrivons dans la capitale Malaisienne en pleine nuit, à 3h du matin… Contrairement à nos précédentes expériences asiatiques, cette fois-ci, il n’est pas question de nous laisser dormir dans le bus à l’arrivée… Dommage, nous nous étions faits à cette idée. Aussi, la tête enfarinée, nous sommes poliment éjectés du véhicule. En Asie, toute occasion est bonne à saisir. Ici encore, à cette heure très matinale, un gérant de guesthouse est là pour nous accuellir, sur le trottoir.

Un Oasis de fraîcheur

En entrant à Oasis Guesthouse, nous sommes aussitôt saisis par une odeur abominable. Nous hésitons presque à retirer nos chaussures à l’entrée. La chambre qui nous est présentée nous donne d’avantage envie de fuir que de crier victoire : aucune aération, les portes en bois coulissantes à chaque entrée de « case » nous laisse imaginer le plan de sécurité de l’immeuble, quant au ménage, il n’a pas été très efficace…

Oh et puis zut ! Il est trois heures du matin, ce n’est pas une heure décente pour chipoter et cette nuit entamée n’est pas facturée. Après une douche nécessaire, nous nous écroulons sur nos matelas et tentons d’oublier les raisons qui nous pousseraient à quitter au plus vite ce taudis. A 10h30, le changement d’heure nous faisant perdre une heure de sommeil, le réveil sonne. Mlle Cartensac ne raterait pour rien au monde le petit déjeuner offert par la maison. Trois étages plus haut, nous assistons à un défilé de toasts beurrés, dégoulinants de confitures, portés à la bouche d’une ribambelle de voyageurs, tous aussi différents les uns que les autres. Un tableau enthousiasmant, parfois déroutant, selon l’attitude de nos compagnons de tablée. Le gérant de l’auberge en profite pour inviter tous ses clients pour un barbecue party ! Pour le coup, nous ne sommes pas très motivés et puis finalement…

Free BBQ party !!!

A 20h, alors que nous rentrons de notre première journée éreintante dans les rues de la capitale Malaisienne, le gérant de l’auberge nous propose de rejoindre la terrasse pour rallier le barbecue. Pourquoi pas ? Au dernier étage, nous découvrons une terrasse aménagée en petit salon. Sur les tables sont disposés de grands plats remplis de poulet braisé, de nuggets, de pastèque,… Nous nous installons sur un coin de canapé, tout près d’un groupe d’américains dont la soirée semble déjà bien arrosée et savourons discrètement nos assiettes bien garnies et notre sirop de litchi. « Quand ils parlent tous anglais en même temps et aussi fort comme ça, ça me fatigue… Ca ne me donne pas envie de prendre part à la conversation » s’excuse Mlle Cartensac, peu bavarde et peu motivée à lier un quelconque contact. Juste devant nous, deux japonais et une coréenne font connaissance, constatant eux aussi la difficulté à discuter en anglais dans tout ce bruit. Nous en profitons pour nous présenter à eux. Atsushi et son ami voyagent à vélo, l’occasion pour nous de partager des souvenirs très sportifs. A l’idée de devoir tant pédaler Sue, jeune coréenne, est plus qu’impressionnée, épuisée ! « Ah non, ah non, moi je ne pourrais pas faire ça ! » insiste-t-elle devant la persévérance de Mr Routenvrac à lui faire entendre que tout le monde peut le faire en prenant son temps… « Mais moi je suis fatiguée et j’ai mal partout quand je fais du vélo ». – « Déjà, il faut avoir un vélo à sa taille » conseille Mr Routenvrac, se rappelant que nous sommes très souvent interpelés devant les positions inadaptées, parfois loufoques, de certains asiatiques sur leurs vélos. Nous discutons un bon moment tous les cinq, partageant nos découvertes et plus précisément nos impressions sur les voyages, les pays, les rencontres, la musique, les jeux… « Vous aimez bien jouer ? » En quelques minutes nous voilà tous les cinq attablés, un étage plus bas, autour de l’outil Cartensac. Atsushi nous apprend à jouer à speedo, et aurait bien tenté un autre jeu mais celui-ci lui semble un peu trop compliqué. Sue, après s’être assurée que nous ne jouerons pas pour de l’argent, se prend très vite au jeu. Nous enchainons parties de cartes et de plateau pour une soirée aussi drôle que plaisante. « C’est souvent dans les moments où l’on ne s’y attend pas que l’on fait les meilleures rencontres » conclut Mlle Cartensac avant d’aller se coucher.

Tours et détours

« C’est vraiment les tours les plus hautes du monde ? Ou alors c’était ?! » s’étonne Mr Routenvrac. « Elle sont bien moins impressionnantes que la Tour Eiffel, tu ne trouves pas ? » C’est vrai, entourée de tous ces buildings, les tours jumelles Petronas n’ont rien de révolutionnaire.

Nous prenons tout de même le temps de les contempler puis en profitons pour nous perdre un peu aux alentours. Marchant dans le parc, nous nous arrêtons un instant pour admirer les enfants jouer. Une immense pataugeoire leur est mis à disposition. Nous constatons que dans tous les pays d’Asie que nous avons traversés, une place importante est accordée aux loisirs des enfants : attractions, structures en bois, plans d’eau,… Nous nous amusons des réactions de certains enfants. Européens ou asiatiques, rires et larmes ont les mêmes airs. Observer, discuter, échanger. Durant deux jours, à Kuala Lumpur, nous prenons le temps de vivre et de découvrir.

Après plusieurs tours et détours dans la capitale, nous avons pris nos marques et noté quelques adresses. Cela tombe bien. Demain, lundi 2 avril, nous avons rendez-vous avec la maman de Mr Routenvrac, à l’aéroport. « J’espère surtout qu’elle va bien se débrouiller toute seule » murmure-t-il…

Retrouvez l’album complet ici.

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