Cameron Highlands

« Si vous saviez ce qui m’est arrivé ! » Ca a commencé comme ça les vacances avec Mme Naturensac ; sur un air d’aventure. Nous étions tranquillement installés au rayon « réception des vacanciers », Mr Routenvrac brandissant fièrement sa pancarte d’accueil VIP, tandis que Mme Naturensac faisait connaissance avec les méandres de l’aéroport de Kuala Lumpur, s’offrant ses premières émotions de voyage. « On a atterri à plusieurs kilomètres de là. Quand ils m’ont fait signe de monter dans un tramway, je n’étais pas très rassurée. Je me suis demandée où j’allais débarquer. Moi qui ne parle pas un mot d’anglais, je me suis bien débrouillée ! » C’est dit ! Mme Naturensac nous annonce la couleur. S’il y a défi, elle relèvera. Après tout, elle est venue pour ça, laissant dans le Loiret son mari qui a préféré continuer à nous suivre depuis son canapé entre deux bricolages. « Ca fait vraiment plaisir de vous retrouver » lâche-t-elle finalement. Ah oui, Mme Naturensac est aussi et surtout venue pour ça : nous retrouver, partager un bout de notre voyage et profiter de ces 12 jours privilégiés en compagnie de son baroudeur de fiston.

Ravitaillement (bis)

En pénétrant dans notre chambre d’hôtel, Mme Naturensac jubile. Le lit superposé trois places dans un 8m², c’est exactement ce qu’elle espérait. Le fil tendu d’un bout à l’autre de la chambre supportant notre première lessive à la main la ravit davantage. « Rémi, si ton père voyait ça… C’est génial ! » s’exclame-t-elle avant d’immortaliser l’instant avec son appareil photo. « J’ai pensé à vous ! » finit-elle par dire. En effet, elle a pensé à nous, peut-être même un peu trop vu le poids de ses deux sacs : deux paquets de Prince de Lu, 1kg de Nutella, un pot d’amendes grillées, des tubes de crème à n’en plus finir, des boîtes de médicaments, la canne à pêche de Mr Routenvrac,… « Je t’avais prévenu » répond Mr Routenvrac, « il va falloir porter tout ça maintenant ! ».

L’oiseau rare

Pour atteindre le parc des oiseaux, il nous faut tout d’abord traverser une bonne partie de la ville. Celle-ci, très moderne, n’est pas adaptée pour les piétons. Nous contournons des quartiers, traversons des double-voix, admirons quelques beaux bâtiments, suivons un moment la voie ferrée, grimpons en haut d’une colline, enfin longeons le parc dont nous finissons par trouver l’entrée à une centaine de mètres plus loin.

Nous nous attendions à quelque chose d’un peu plus naturel. Le parc des oiseaux est ni plus ni moins un parc zoologique d’espèces volatiles. Nous avons tout de même pu en approcher quelques-uns, à deux doigts d’en toucher certains. Oiseaux des îles, perroquets, pélicans, flamands roses, autruches,… Une variété impressionnante et pour la plupart « locale ».

La canne à pêcher

Parvenus à l’autre bout du parc, nous trouvons la cascade artificielle appropriée pour une photo. Mlle Cartensac se positionne juste derrière la chute d’eau, pose sa canne contre la rambarde et se tient prête pour la séance photographique. « Glinggg, flisshhhhhhh…… » – « Non !!! Pas ça ! » s’écrit-elle, tentant de retenir du bout des doigts sa canne qui vient de glisser entre deux barreaux. Malheureusement, il est trop tard pour éviter la dégringolade. La canne traverse la cascade et tombe en chute libre,10 mètresplus bas, au beau milieu de l’étang artificiel. Sous nos yeux désolés, elle coule définitivement au fond de l’eau. « Mince, on ne la voit plus » grimace Mme Naturensac. « Nonnn… » souffle Mlle Cartensac. « Tu crois qu’il y a beaucoup d’eau ? » s’inquiète-t-elle auprès de Mr Routenvrac. « Tu ne devrais pas la poser debout, elle tombe tout le temps. Et ce coup-ci… De toute façon, on va tout faire pour la récupérer et puis on verra bien. » Mlle Cartensac serait bien tentée de penser qu’il s’agit là d’un signe : « Plus besoin de la canne ? » mais ce serait un peu trop facile. Et puis avec les kilomètres qui nous attendent jusqu’en Nouvelle-Zélande… La route est loin d’être finie et sans les vélos…

Il n’est vraiment pas évident de trouver un agent de sécurité, le parc est désert. Nous finissons tout de même par trouver un agent compréhensif qui ne nous rassure qu’à moitié. Il doit y avoir de la vase, c’est sûr et le parc ne dispose d’aucune barque ou autre radeau. Il n’y a plus qu’à espérer qu’Indiana Jones travaille ici et accepte de retrousser ses manches pour nous. Finalement, c’est Crocodile Dundee qui plongera dans les eaux, tout habillé, sous les encouragements de Mlle Cartensac. De son épuisette il fouille les eaux troubles, de ses pieds il tâte les fonds vaseux et en quelques minutes, un sourire traduit clairement que la pêche aux doigts de pied a été bonne. Il plonge le bras au fond de l’eau et en ressort notre Graal ! Notre héro du jour recevra bien des remerciements. Enfin, Mlle Cartensac, la canne à la main, détendue, s’adresse à Mme Naturensac : « Tu te rends compte de ce qu’on est prêts à faire pour rendre tes vacances excitantes ?! »

Retard Routard

Environ 200km sépare Kuala Lumpur de Tanah Rata, notre première destination, soit pas plus de 3h30 de bus. Loin d’être pressés, nous choisissons de nous y rendre par la voie la moins chère, en passant par Ipoh. Finalement, nous ne gagnons rien à jouer aux routards aujourd’hui, nous y perdons notre temps et notre argent, renvoyés de station de bus en station de bus, découvrant chaque fois des prix plus élevés que prévu. Cette première expérience de transport malaisien nous apprendra simplement qu’ici transport local n’a pas plus de signification que le mot « négociation ». Les prix sont affichés et les mêmes pour tous, le tourisme malaisien ne faisant pas cas des techniques de baroudage. Nous parvenons en fin de journée à Tanah Rata. A la gare routière, une jeune femme nous conseille de nous rendre à Twin pines Guesthouse. Suivant ses conseils, nous traversons la rue principale et entrons dans un jardin aussi exotique qu’original. Mme Naturensac est aussitôt conquise, s’imaginant déjà sur la terrasse, son livre à la main, à contempler végétation et volatiles. Pas étonnants du coup qu’elle accepte avec enthousiasme de dormir sous les toits sur un matelas au sol. Mr Routenvrac, gêné de voir sa mère s’imposer de telles conditions, tente d’abord de la raisonner : « Tu es sûre que tu vas être bien là ? On ne peut même pas se mettre debout… » – « On ne restera dans la chambre que pour dormir non ? Alors on prend la moins chère. » Adjugé vendu, nous prendrons la chambre sous les toits avec jardin.

Nous retournons en ville espérant trouver un plat local pour conclure cette journée. Finalement, nous nous laissons tenter par un restaurant indien. Ici, les serveurs ont le sens du service et n’hésitent pas à taquiner Mme Naturensac qui tente tant bien que mal de passer sa commande.

Du thé à la mousse

Inutile de faire trois fois le tour de la ville pour nous apercevoir que les agence proposent toutes les mêmes tours et aux mêmes prix.  Nous nous offrons donc le plaisir de choisir l’agence qui nous semble la plus sympa et qui nous garantit la qualité linguistique de son guide. Culture de thé, forêt de mousse, découverte de la flore, nous sommes prêts pour découvrir les Camerons Highlands. Ce mercredi 4 avril, un pick-up vient nous recueillir à la porte de notre auberge. Nous embarquons et nous laissons mener à plusieurs kilomètres de là, en altitude, auprès d’un groupe de touristes.

Debout sur le bord de la route, nous sommes tous agglutinés devant un champ de thé. Mme Naturensac tend grande l’oreille. Et pour cause, Mr Routenvrac s’emploie à traduire en temps réel chaque information historique, culturelle et écologique déversée par notre guide dont la rapidité d’élocution et l’accent donnent du fil à retordre à Mlle Cartensac. Elle se recule de quelques pas pour bénéficier des efforts de Mr Routenvrac, abandonnant là ses tentatives de compréhension anglophone. Notre guide nous invite à présent à monter dans un van et nous poursuivons notre ascension, au cœur des montagnes Malaisiennes, observant au travers de nos carreaux des centaines d’hectares de culture de thé. Au sommet, une pancarte nous annonce 2031m d’altitude, de quoi expliquer nos légers frissons. Après avoir pu admirer un panorama du haut d’un observatoire, nous descendons le long de la grande route, au bord de laquelle notre guide nous indique l’entrée de la forêt de mousse. La pluie est tombée toute la nuit et nous devons être très vigilants. Il ne s’agit pas d’une balade en forêt ordinaire, mais d’un parcours acrobatique où il convient de ne pas faire confiance trop vite aux marches naturelles qui compliquent parfois plus l’ascension qu’elles ne la facilitent. Nous sommes rapidement plongés dans un univers fantastique. La mousse recouvre les arbres dont les racines s’exhibent sur des dizaines de centimètre avant de prendre appui dans le sol, offrant parfois l’endroit rêvé à une fleur exotique de s’épanouir. La forêt est densément garnie d’une végétation qui retient l’humidité et lui octroie une fraîcheur supplémentaire.

En épongeant un morceau de mousse détaché d’un arbre, le guide en fait couler suffisamment d’eau pour en remplir un verre. Le groupe s’enfonce sur quelques mètres avant de s’éparpiller pour la descente annoncée difficile. Mr Routenvrac préfère prendre sa petite équipe sous son aile et nous faisons demi-tour, évitant embouteillages et pentes abruptes et glissantes, choisissant de profiter un peu plus encore de cet endroit particulièrement étrange et différent. De nouveau au convoi, nous remontons à bord de notre van et partons en direction de l’exploitation BOH, culture de thé.

Nous disposons de trois quarts d’heure pour observer, humer, goûter et comprendre les étapes composant la culture du thé, du champ au magasin, en passant par son usine. Cela nous parait peu d’autant plus qu’en l’absence de signalisation d’interdiction, nous décidons de visiter les champs et de nous perdre au-delà des sentiers balisés. Nous nous retrouvons très rapidement seuls dans notre visite. Nous croisons quelques cultivateurs surpris de nous voir là, mais tout autant ravis. Le thé se présente sous formes d’arbustes, disposés en ligne, dans les collines, donnant l’impression d’un immense escalier vert.

Autrefois, les pousses de thé étaient sélectionnées directement dans l’arbuste, arrachées une à une (une pousse toujours accompagnée de deux feuilles). Aujourd’hui, c’est une machine qui se charge de TOUT couper ! Les ouvriers trient ensuite et emplissent des sacs qu’ils pèsent avant de charger dans le camion qui, une fois plein, se rend directement à l’usine. Nous supposons ces hommes payés au poids des sacs.

Nous marchons un bon moment avant de faire demi-tour. Il ne nous reste plus que quelques minutes pour engloutir un verre de thé industriel dans la boutique et de courir sur les trousses de notre groupe qui finit la visite de l’usine lorsque nous la commençons. Peu importe, nous sommes ravis par notre promenade improvisée et instructive. Dans l’usine, nous découvrons les différentes phases de la production du thé : récolte, blanchissage, oxydation, fermentation, séchage et tri. Le nez collé aux vitres, nous découvrons enfin l’odeur particulière du thé, étrangement totalement absente des champs.

Nous finissons notre visite juste à temps. Notre guide accourt vers nous. Il vient tout juste de s’apercevoir de notre absence. Tout sourire, nous montons dans notre van.

La fraise malaise

« Je te l’avais dit de prendre un K-way ! Je te l’avais pas dit ? ». Mme Naturensac est équipée pour tout affronter sauf la pluie. « Mais il ne va pas pleuvoir… » C’est vrai, jusqu’à mi-chemin de notre randonnée, il ne pleuvra pas !

Nous avons rapidement fait le tour de Tanah Rata. Toutefois, les agences de tourisme nous ont toutes conseillé de partir à la découverte de ses alentours forestiers, de ses sentiers montagnards. Ce jeudi 5 avril, nous partons tous les trois dans la campagne Malaisienne, décidés à parcourir bien des kilomètres. Nous sommes arrêtés en chemin par un défilé hindouiste. Une superbe structure colorée s’agite dans les airs, tournant en tous sens. Le porteur, épuisé, s’arrête soudain tandis qu’on lui glisse un tabouret pour le faire asseoir. « Ils vont sûrement le relayer » suppose Mme Naturensac. Que nenni ! En nous approchant de plus près, nous sommes scotchés : la structure a été cousue dans le dos du jeune hindou… On imagine difficilement à présent comment le relais pourrait se faire…

Mme Naturensac ne supportera pas plus longtemps cette vision. Nous reprenons notre route, interrogatifs quant aux raisons de cette cérémonie. Très vite, nous trouvons notre route, au bord de la rivière, sur un chemin ombragé, peu entretenu et semé d’embuches, pour notre grand plaisir. A midi, nous nous arrêtons dans le village de Brinchang pour déjeuner et nous assurer l’énergie nécessaire au long trajet qui nous attend. Finalement, le chemin proposé s’avèrent réellement compliqués et nous décidons, bien malgré nous, de raccourcir notre parcours initialement prévu. A croire que nous avions vu juste. « Je crois qu’il pleut » lance Mr Routenvrac. Nous n’avons pas le temps de confirmer qu’une averse nous tombe dessus. Nous nous réfugions sous un abri déjà occupé par quatre golfeurs Malaisiens, une bonne occasion d’échange pour nous. « C’est étrange que vous parliez anglais entre vous » démarre Mlle Cartensac. « Vous ne parlez pas malais ? » – « Il faut savoir que la plupart des adultes parlent l’anglais parce qu’autrefois la Malaisie était une colonie anglaise. On parlait donc anglais à l’école. Mais les jeunes générations parlent malais à présent. Et puis il y a des gens qui ne parlent pas anglais non plus, alors avec eux on parle malais. » – « Moi je parle aussi mandarin » ajoute l’un d’entre eux. « Je suis d’origine chinoise ». Nous parlons un moment voyage, différence de culture,… Puis, nous décidons que la pluie s’est suffisamment calmée et que nous pouvons reprendre notre route. Nous saluons nos compagnons d’attente qui devront, quant à eux, reporter leur partie de golf, le terrain étant trempé. Dans la forêt, nous observons avec étonnement la rivière qui coulait si paisiblement ce matin et qui à présent se déverse, telle un torrent hurlant dans un rouge terreux. Nous parvenons aux cultures de fraises que nous n’avons eu de cesse de reluquer ce matin. La région est réputée pour ce fruit rouge et la plupart des gadgets pour touristes en sont dérivés. 16h, c’est l’heure du goûter. Ca tombe plutôt bien ! Mais rapidement, nous déchantons devant le prix annoncé : 8 euros le kilo pour les ramasser nous-mêmes… Nous décidons de nous en offrir tout de même une barquette. Celle-ci en main, nous entrons dans la serre et scrutons les allées dans lesquelles sont entreposés en hauteur, les fraisiers en pot. Soudain, nous explosons tous les trois de rire. « Ben, elles sont où vos fraises ? » – « Il y en a quelques-unes dans les premières rangées » nous assure la jeune femme. Nous n’aurons même pas le plaisir de les choisir ni même, en toute honnêteté, d’en déguster en cachette. « Pfiou, c’est une vrai arnaque !!» s’exclame Mme Naturensac. La messe est dite, les fraises ce sera pour une autre fois. La pluie n’ayant jamais vraiment cessé, trempés de la tête aux pieds, nous finissons notre promenade avec l’idée d’une tartine de Nutella à l’esprit.

Sur le retour, nous faisons un stop à l’agence et réservons notre prochaine aventure. Demain nous embarquons pour les îles Perhentian. « Dis-moi, tu as bien pris un maillot de bain ? » – « Ah oui, ça je n’ai pas oublié » nous rassure Mme Naturensac, prête à plonger dans l’univers marin.

Retrouvez l’album complet ici.

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